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station du chemin de fer de Cornouailles, et la ville la plus occidentale de toute l’Angleterre. Bâtie sur un sol de granit, elle mire dans une vaste baie les clochers de ses églises et les blanches façades de ses maisons. Au milieu du golfe s’élève, à une grande hauteur, le mont Saint-Michel, qui fut jadis un château fort et un monastère comme le nôtre, et qui, plus heureux, n’a jamais servi de prison, surtout de prison politique.

À la marée haute, le mont Saint-Michel forme une île ; à marée basse, il communique avec la terre. Quelques archéologues voient dans cette île l’Ικτις de Diodore de Sicile, où les Bretons venaient entreposer l’étain. D’autres prétendent que l’Ικτις des Grecs, la Vectis des Latins, est l’île de Wight actuelle. Au pied du mont Saint-Michel est un village de pêcheurs qui, vu de la terre ferme, produit le plus gracieux effet.

Penzance a donné le jour à des hommes célèbres, entre autres au chimiste Humphrey Davy, le même qui a découvert la lampe à treillis mécanique qui porte son nom, et qui protége si heureusement la vie du mineur des houillères dans les chantiers à gaz explosible ou grisou. Le souvenir du savant est resté en vénération dans cette ville de marins et de mineurs ; elle a gardé le culte de la science, et pour une ville de dix mille âmes, elle offre au touriste et à l’ingénieur un muséum de géologie qui mérite d’être visité. Nous le parcourûmes avec plaisir, car nous y rencontrâmes une collection fort complète d’échantillons minéralogiques du Cornouailles, ainsi que des modèles des principaux dolmens, menhirs, cromlechs, etc., dont les ruines se retrouvent çà et là dans la contrée surtout au bord de la mer.

Ces ruines et le type des habitants sont tout ce qui reste de l’ancienne famille celtique qui peuplait jadis le pays. La langue primitive, le breton du Cornouailles, que les Anglais appellent cornish language, a entièrement disparu depuis environ un siècle. Elle ne revit plus que dans quelques noms de villes, de montagnes, de caps. Dans ces noms se retrouvent souvent les particules initiales Tre (tour, village, ville), comme dans Truro, Pol (étang, lac), comme dans Poljew, et Pen (colline, cap, capitale), comme dans Penzance. Il y a aussi le distique fameux : ›

« By Tre, Pol and Pen,
You may know the Cornishmen : »

« Par Tre, Pol et Pen, vous connaîtrez les hommes du Cornouailles. »

Ce n’est pas dans ces noms seuls qu’on les retrouve, et leur type les rattache directement à la race celtique ou bretonne. Ils ont les cheveux noirs, les yeux gris, la face ovale, le teint brun et mat, tandis que les Anglo-Saxons et les Anglo-Normands ont les cheveux blonds ou rouges, les yeux bleus, la face ronde, le teint blanc et coloré. Néanmoins l’assimilation s’est faite, et elle s’est faite complétement. Toute trace de nationalité distincte a disparu, et alors que nous retrouverons dans le pays de Galles les mœurs, le costume, la langue des ancêtres encore vivants, alors qu’en Irlande la même chose existe aussi et y est de plus cause d’une opposition tantôt sourde, tantôt ouverte, contre les institutions anglaises, dans le Cornouailles rien de pareil n’existe. Le pays le plus tôt et le plus entièrement soumis a été celui qui a perdu le plus tôt sa langue. Ce phénomène ethnologique est d’ailleurs général.

Vue de Teignmouth. — Dessin de Durand-Brager.

J’ai dit que les habitants du Cornouailles n’étaient pas seulement mineurs, mais que la pêche occupait aussi une partie de la population. La pêche principale du pays est celle du pilchard, un poisson particulier à ces mers, et qui tient le milieu entre la sardine et le hareng. Elle a lieu de juillet à décembre, et c’est