Monreale. — Dessin de H. Clerget d’après une photographie de MM. Sommer et Behles.
LA SICILE ET L’ÉRUPTION DE L’ETNA EN 1865.
RÉCIT DE VOYAGE PAR M. ÉLISÉE RECLUS.
PALERME.
Il commençait à faire jour lorsque notre bateau à vapeur dépassa le promontoire de Zaffarana et se dirigea sur le port de Palerme. L’air était encore froid et le vent qui soufflait directement en face tordait nos barbes et nos manteaux, mais nous grelottions avec courage, car la ville célèbre était en vue, et le panorama tant de fois admiré de la Conque-d’Or se déroulait lentement devant nous. Un nuage rose révélait la prochaine arrivée du soleil, et l’immense espace compris entre les cieux, la terre et les flots, s’emplissait de lumière. Dès qu’un rayon de flamme eut percé comme une flèche la nuée qui s’étendait à l’orient, une longue traînée d’éclairs brilla tout à coup sur la surface des eaux, les cimes des monts s’allumèrent comme des phares, les grandes ombres décroissantes s’accusèrent nettement, le relief se fit dans la vaste plaine qui semblait uniforme, les contours de plus en plus précis, les couleurs de plus en plus éclatantes réveillèrent la nature endormie, et la ville blanche, émergeant des vapeurs qui l’entouraient, apparut dans toute sa grâce rayonnante au milieu de sa forêt d’orangers.
Le port de Palerme est situé au nord de la ville, non loin de la base de ce superbe Monte-Pellegrino, dont les flancs, semblables aux murailles d’une forteresse inaccessible, gardent à l’ouest l’entrée de la baie. Un môle, qui passait encore au commencement de ce siècle pour une des merveilles de l’architecture hydraulique en Sicile, sépare ce port de la haute mer et le protége contre les vents de l’est et du nord-est. C’est à l’abri de ce brise-lames que vont mouiller les bateaux à vapeur ; mais là on se trouve encore assez loin de la ville, et pour gagner Palerme, il faut s’embarquer de nouveau et faire une traversée de plus d’un kilomètre dans la partie la plus ouverte de la rade. Par un beau temps, on ne saurait s’en plaindre, mais quand souffle le vent d’orage et que la houle du large vient faire danser les barques et se briser avec fracas contre les grèves, on se dit tout bas que les ingénieurs auraient bien dû arranger les choses autrement et trouver un moyen d’amener les grands navires jusqu’aux embarcadères de Palerme.
Les passagers vont prendre terre au pied de l’église