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tout à fait tombée, nous entrevîmes une maison. Quelle émotion !

Nous galopons ; nous sautons hors de selle, et, livrant nos chevaux à eux-mêmes, nous entrons dans une espèce de cour ou plusieurs Indiens et métis venaient de terminer un souper dont les restes chargeaient encore une nappe étendue à terre et autour de laquelle ils étaient assis tout à l’heure. Un vieil Indien s’avance et, dans un jargon mêlé de français, d’anglais et de chinouk[1], se présente à nous sous le nom du capitaine Saint-Paul et nous demande qui nous sommes. Nous lui répondons que nous venons de passer par les montagnes, que nous mourons de faim et que nous le prions de nous donner à manger aussi vite que possible.

« Vous en aurez abondamment et tout de suite, dit-il, mais vous devez payer une piastre chaque.

— Même si ce repas devait coûter cent dollars par tête, servez-nous-le. »

Peu après, nous étions à dévorer un plat graisseux de lard et de choux, avec de délicieux gâteaux, et à boire copieusement ce thé, objet de nos longs désirs. Nous absorbâmes une quantité de gâteaux qui étonna même les Indiens.

Dans la soirée arrivèrent du fort Kamloups M. Martin et plusieurs autres personnes, qui venaient assister à un bal que des métis donnaient ce jour même à Saint-Paul. M. Martin nous reçut avec beaucoup de politesse et nous invita à loger chez lui le lendemain.

Yale, sur le Fraser. — D’après MM. Milton et Cheadle.


Kamloups. — Nous dévorons. — Départ de Kamloups. — Terrasses remarquables de la Thompson et du Fraser. — Bac de Cook. — Tombes ornées. — Grand paysage des Cagnons. — Yale. — New-Westminster. — Victoria dans l’île Vancouver. — Lilloet. — Les degrés du serpent. — Les auberges sur la route qui conduit aux mines. — Cameron-Town. — William’s-Creek. — Visite aux mines. — Retour.

À notre lever, le 29 août, le soleil était déjà assez haut. Nous fîmes un bon déjeuner et nous nous rendîmes à Kamloups, situé sur la rive opposée. M. Martin et M. Burgess, qui administraient en l’absence du négociant en chef, M. Mac Kay, nous reçurent avec la plus douce hospitalité.

La première chose que nous fîmes après notre arrivée ce fut de nous procurer au magasin des vêtements complets ; puis, nous rendant à la rivière, nous y prîmes un bain délicieux. Nous jetâmes nos guenilles dans la Thompson et revêtîmes nos nouveaux habits. Alors nous pûmes, tout à notre aise, jouir de l’Otium cum dignitate, et, en fumant nos bienheureuses pipes, nous enquérir des nouvelles, non pas du jour, mais de l’année écoulée.

Côtelettes de mouton, pommes de terre, pain, beurre, lait, pudding au riz, thé et sucre ! qu’on mette ces délicatesses en comparaison avec la viande de cheval séchée, les bêtes puantes ou l’absence complète de nourriture ! Cependant l’abondance des repas ordinaires du fort ne suffisait pas à nos estomacs affamés. Nous avions l’art d’y intercaler trois repas de plus. Nous nous levions avant tous les braves gens de Kamloups et al-

  1. Jargon inventé par la Compagnie de la baie d’Hudson et compris par tous les Indiens du nord de l’Amérique. (Trad.)