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telés. Aucun d’eux n’a gardé les traces d’un cratère régulier ; mais lorsqu’on a contourné le bassin supérieur du vallon de la Dordogne par les escarpements des vallons de la Cour et d’Enfer, par les cimes du Cliergue, du Sancy et du roc de Cuzeau, il est impossible de ne pas admettre que l’on vient de circonscrire l’ouverture par laquelle se sont épanchées les grandes formations du Mont-Dore. On ne peut également placer que là le centre des commotions qui, à plusieurs reprises ébranlèrent la masse entière de la montagne, élevèrent les dykes de trachite au niveau qu’ils occupent aujourd’hui au-dessus des coulées de basalte, et donnèrent aux nappes trachytiques des plateaux de Bozat, de Rigolet et de l’Angle une inclinaison qu’elles n’auraient jamais eue sans un soulèvement postérieur à leur épanchement.

Le Sancy est flanqué de deux cimes dont le niveau n’est que de très-peu inférieur au sien ; à sa gauche, le pic de l’Aiguiller, hérissé de pointes inaccessibles, se penche comme un fantôme sur les abîmes noirs du Creux d’Enfer ; à sa droite, le Puy-Ferrand domine au midi toute la région des lacs qui se déroule vers le Cantal, et au nord la pittoresque vallée de Chaudefour, — effrayante à son origine, dans les flancs des grands monts, comme un cratère à peine refroidi, souriante comme une idylle, à son débouché, autour du lac Chambon, dont la nappe bleue aujourd’hui si paisible, entourée de cimes volcaniques et de ruines féodales, également inoffensives, a reflété les dernières flammes allumées dans les cratères du Mont-Dore.

Le quatrième et dernier jour qu’il nous fut permis de consacrer à cette région, nous vit gravissant de bonne heure les flancs du Tartaret, volcan moderne, que l’on croit du même âge que la chaîne des Dômes. Il a formé le lac de Chambon, comme le Puy de la Vache a formé le lac d’Aidat, par un barrage de lave à travers la vallée venant de Chaudefour. Sa cime rouge et sa ceinture de bois verdoyants se mirent dans le lac, face à face avec le château de Murol.

Vallée de Chaudefour. — Dessin de Hubert Clerget d’après l’album de M. Henri de Lanoye.

Son cône est entièrement formé de scories incohérentes de lapillis et de fragments de granit. Il a deux cratères profonds et réguliers, en forme de bassins, séparés par une haute crête, rompus chacun sur un de leurs côtés. Ils ont émis ensemble un vrai fleuve de lave qui, s’étalant ou se resserrant dans le moule que lui offrait la vallée de la Couze, en a suivi toutes les sinuosités jusqu’au delà de Champeix et de Nechers, à plus de vingt et un kilomètres de sa source enflammée.

Nous avons suivi cette coulée de basalte moderne le long d’une vallée excavée en partie dans le granit, mais dont les pentes sont partout frangées par les segments de courants plus anciennement épanchés dans la même direction. Observer les analogies de ces formations d’époques différentes, leur parfait parallélisme, et leur étendue à peu près égale, constater leur fréquente similitude de structure et d’éléments minéralogiques ainsi que le caractère pittoresque qu’ils donnent au paysage serait une étude pleine d’intérêt ; elle mériterait qu’on lui consacrât bien des heures et bien des pages.

À défaut de temps et d’espace, qu’il me soit au moins permis d’affirmer, avec mon honorable adversaire, M. Poulett-Scrope, docte fils d’Albion qui n’a que le tort d’être un peu trop gallophobe, que bien peu de points du globe offrent d’aussi admirables juxtapositions d’anciens et de récents produits volcaniques.

« Ici, dit-il, la nature a elle-même rassemblé les objets de comparaison, et les a placés sous les yeux de l’observateur, comme avec l’intention expresse de démontrer leur mode commun de formation. »