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sous un petit édifice de bois, ayant l’apparence d’une chapelle de Kamis.

Les cérémonies de l’inhumation avaient un caractère solennel. On eût dit en voyant le cortége funèbre qu’il célébrait le triomphe d’un héros. On donnait au défunt, dans sa tombe, sa cotte de mailles, ses armes, ce qu’il possédait de plus précieux. Même ses principaux serviteurs le suivaient dans le sépulcre, et l’on immolait à ses mânes son coursier favori. Ces usages barbares furent abolis au premier siècle de notre ère. Des mannequins replacèrent les victimes humaines, et l’on ne sacrifia plus de chevaux qu’en peinture. Quelques coups de pinceau, hardiment jetés sur une planche de bois blanc figuraient l’image du compagnon de gloire du défunt, et cette planche faisait partie des objets destinés à être scellés dans la tombe.

Les peintres indigènes déployèrent dans la composition et l’exécution de ces dessins, une verve, une habileté, qui ont fait de ces yémas, ou croquis de chevaux, l’une des curiosités artistiques du Japon. Il en existe dans diverses chapelles des villes et des campagnes, à titre de tableaux votifs. Les amateurs recherchent ceux qui figurent sur les feuilles de certains paravents de cérémonie, en usage à la cour de Yédo. Quelquefois l’on en rencontre au nombre des présents offerts par le taïkoun aux gouvernements étrangers.

Il ne paraît pas que ce genre de dessin ait joui d’une grande faveur dans l’entourage du mikado, tandis que la miniature y fut de plus en plus à la mode.

Les œuvres des miniaturistes de Kioto rappellent fréquemment nos missels du moyen âge : on y retrouve le même emploi du papier vélin, le même abus de fonds dorés, le même luxe de couleurs. Les manuscrits, ornés de vignettes dans le texte, s’enroulent sur un cylindre d’ivoire ou sur un bâton de bois précieux dont les extrémités sont revêtues de garnitures de métal. On relie généralement, sous forme de volume, les almanachs, les recueils de poésies, les romans, les collections de litanies et de prières.

Les dévotes élégantes font usage, à l’office, des éditions les plus microscopiques qui se puissent imaginer.

Les dames et les poëtes de Kioto n’emploient pas d’autre almanach que le calendrier des fleurs, dans lequel chaque mois et chaque subdivision du mois sont désignés par un bouquet symbolique.

Fac-simile d’un yéma ou croquis de cheval.

Il existe aussi un calendrier des aveugles et des recueils de prières composés en caractères hiéroglyphiques dont l’origine est inconnue.

La toilette des femmes de qualité n’indique pas seulement leur rang et leur condition, elle se trouve toujours en harmonie, quant à la couleur et aux sujets de broderies des vêtements, avec le temps et les saisons, les fleurs et les productions des divers mois de l’année.

Les mois eux-mêmes, dans la langue de la cour, ne se désignent jamais par leur nom, mais par leurs attributs : le mois aimable resserre les liens de l’amitié, par les visites et les étrennes du jour de l’an ; le mois du réveil de la nature est le troisième de l’année ; le mois des missives, qui est le septième, a un jour consacré à l’échange de lettres de félicitation, et le douzième est celui de la course des maîtres, car il les oblige à beaucoup sortir de la maison pour le règlement de leurs affaires.

Les œuvres d’architecture des Japonais, les produits de leur industrie, tout ce qui sort des mains de leurs corporations d’arts et métiers dénote une certaine recherche du symbole, mêlée à une grande pureté de goût dans l’imitation de la nature. Il y a dans la charpente des toitures de temples et de palais, des ornements en bois sculpté qui figurent un banc de nuages au-dessus desquels s’élève le fronton de l’édifice.

Le portique d’honneur du daïri est orné d’un soleil d’or, entouré des signes du zodiaque.

Les portiques des temples consacrés au bouddhisme sont surmontés de deux têtes d’éléphants pour indiquer que cette religion a eu l’Inde pour berceau.

Le poids du fil à plomb des charpentiers représente le soleil qui descend à l’horizon.

Les motifs favoris de leurs mosaïques et de leurs sculptures en bois sont empruntés aux lignes que décrivent les vagues de la mer couronnées d’écume, les roches basaltiques tailladées par les flots ; les grues et les chauves-souris représentées les ailes étendues ; l’iris, le nénufar et le lotus dans l’épanouissement de leurs corolles ; le bambou, le cèdre, le palmier, le prunier, le cornouiller, soit isolés, soit combinés avec de gracieuses plantes grimpantes.

Il est d’ailleurs maint ornement dont nous ne possédons pas la signification. L’on voit, dans l’enceinte du daïri, une sorte de vase de bronze, représentant gros-