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sièrement je ne sais quel oiseau de la taille d’un homme. C’est l’un des plus anciens monuments de l’art indigène. On l’appelle le Tori-Kamé ; mais l’on ne connaît pas son origine, ni l’usage auquel il était destiné. D’autres vases d’une haute antiquité, montés sur un trépied et servant à brûler des parfums, ont des ciselures qui rappellent la tête ou la cuirasse du crocodile, animal inconnu au Japon.

La tortue et la grue, qui figurent fréquemment dans la composition des vases à parfums et des candélabres sacrés, sont des emblèmes d’immortalité, ou, tout au moins, de longévité.

Le Foô, oiseau mythologique, commun à la Chine et au Japon, a sa place sur les linteaux des portes du daïri et au sommet du palanquin du mikado, comme emblème du bonheur éternel.

Ces mêmes images symboliques, et d’autres qu’il serait trop long d’énumérer, se reproduisent dans les dessins des riches étoffes brochées de soie, d’or et d’argent, qui font la gloire des tisserands de Kioto ; ainsi que dans les gravures et les ciselures sur plaques d’or, d’argent, de cuivre rouge et d’acier, dont les bijoutiers indigènes décorent les poignées et les fourreaux de sabres, les écritoires portatives, les pipes, les sacs à tabac et leurs breloques ; enfin dans les sujets des innombrables ustensiles, pièces de vaisselle et meubles d’art en laque et en porcelaine, qui constituent le principal luxe des ménagères japonaises.

Une dame de la cour de Kioto rentrant dans ses appartements. — Dessin de A. de Neuville d’après une peinture japonaise.

L’on me fit remarquer un jour, dans un magasin de curiosités provenant des ateliers de Kioto, qu’aucun des objets qui y étaient étalés n’affectait la forme rectangulaire pure. Je m’en assurai en examinant un grand nombre de cabinets, d’écrins, de boîtes à papier, de plateaux, et d’autres ouvrages vernissés, parmi lesquels, en effet, je ne découvris pas un angle aigu : tous les angles étaient rabattus et légèrement arrondis. Supposé que cette particularité n’ait pas d’autre valeur que celle de l’un de ces caprices du goût dont il ne faut pas disputer, il est un autre fait qui pourrait bien avoir une signification symbolique, c’est que tous les miroirs japonais, sans exception, présentent la figure d’un disque : une pareille uniformité semble propre à confirmer l’opinion de Siebold, que le miroir des temples de Kamis est un emblème du disque du soleil.

Il serait plus embarrassant de deviner la raison de certaines modes de Kioto, si tant est que des modes doivent avoir une raison.

Les dames de la cour s’arrachent les sourcils et les remplacent par deux grosses taches noires, peintes chacune à trois ou quatre doigts au-dessus de l’œil. Est-ce que ces belles, aux pommettes saillantes, auraient le sentiment que l’ovale de leur figure laisse quelque