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tes herbes. C’est ce que faisaient les trafiquants d’esclaves en se servant de haches.

Voici quelques extraits du journal de sir S. Baker qui donneront une idée de ces travaux presque surhumains :

25 février. — Pour nous ouvrir une voie, je fais aiguiser cinquante sabres.

Nous comptons dans -le lointain soixante-dix éléphants ; mais l’immense zone de végétation flottante nous enlève toute chance de les approcher.

26 février. — Quarante hommes commencent le percement d’un canal de cent cinquante yards (cent trente-sept mètres) de longueur à travers les masses profondes de végétaux agglomérés.

27 février. — Travail acharné au canal.

28 février. — L’herbe ressemble à la canne à sucre ; elle atteint une hauteur d’environ vingt à trente pieds ; des racines sortent de tous les nœuds, de sorte qu’une fois réunies, ces racines s’allongent et font du tout un inextricable enchevêtrement de boue, de détritus de toute sorte, de roseaux emmêlés, serrés en réseaux spongieux de cinq ou six pieds d’épaisseur.

On rangeait les hommes, soldats ou bateliers, sur une seule ligne a l’endroit où il y avait le plus d’épaisseur de végétation et de profondeur d’eau, et, à coups de sabre, ils entrouvraient péniblement la masse de l’obstruction, tandis que d’autres, placés sur les deux bords, enlevaient tout.ce qui était coupé, et rejétaient ces débris à distance de la tranchée qui, ainsi débarrassée, formait une sorte de canal [1].


[image]

Gravé par Erhard, 12, R. Dugay-Trouin, Paris.


Le 5 mars, par exception, le courant devint libre ; une bonne brise du nord soufflait. Tous les bateaux marchaient bien.

J’aperçus, dit sir S. Baker, un Baleniceps rex : c’est la seconde fois seulement que j’ai pu bien voir cet oiseau rare, qu’on appelle aussi «la cigogne à tête de baleine». Jusqu’ici on ne l’a trouvé que dans les immenses marais du Nil Blanc. Il se nourrit généralement de coquillages d’eau douce : la nature lui a donné un bec puissant, armé d’un crochet à son extrémité.

Ce même jour, à une heure de l’après-midi, un hippopotame frappa le fond de notre dahabièh et pratiqua avec ses défenses deux trous dans le bordage en fer. Ce fut avec peine qu’on parvint à arrêter l’inondât, ion et à boucher les deux voies d’eau.

Le 11 mars, on était engagé au milieu de marais empestés. Tous les bâtiments furent forcés de s’arrêter dans un étang de boue noirâtre. On ne parvint qu’après un travail écrasant à se couper un passage. Un soldat mourut d’insolation. Pas de sol ferme pour l’enterrer.

Le 13 mars, on traversa un lac, puis un second entièrement fermé : ni terre, ni eau claire, pas un

  1. Notes géographiques du lieutenant Baker — ine de nos gravures, t. XXVII, p. 301, donne une idée des autes herbes de ces rivières.