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Fort de Pembina (voy. p. 286). — Dessin de Th. Weber, d’après une gravure américaine.


EXCURSION AU CANADA ET À LA RIVIÈRE ROUGE DU NORD,

PAR M. H. DE LAMOTHE[1].
1873. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


XVI

Le Métis. — Le combat des Sept-Chênes. — Ballade franco-indienne. — Les Français à Winnipeg. — Émigration et colonisation. — Importance de l’Amérique du Nord pour l’avenir de la race française. — Climat du Nord-Ouest. — Obstacles qui s’opposent à sa colonisation. — Le Désert, la Prairie, la Forêt. — Avenir de la race française dans l’Amérique du Nord.


Je laisse à penser si le journal français de Manitoba combattait pour la cause de Lépine. Ce journal s’appelle le Métis, et porte en sous-titre la fière devise des rois d’Angleterre : « Dieu et mon droit. » C’est incontestablement le journal le plus septentrional qui soit publié dans notre langue sur le continent américain. Tout d’abord on pouvait craindre que cette petite feuille n’eût qu’une existence éphémère, l’instruction élémentaire n’étant point le fort de tous ces braves chasseurs de bisons dont elle allait défendre les intérêts. Mais les écoles se multiplient aujourd’hui avec rapidité dans chaque paroisse, et puis maint Bois-Brûlé qui ne sait point lire n’en a pas moins souscrit un abonnement à l’organe qui « supporte (sic) les droits de la nation », — un anglicisme que commettent, outre les métis, pas mal de journalistes canadiens. — Somme toute, le Métis est un petit journal très-passablement fait.

Cependant les articles du Métis ne sont pas les premiers monuments de la jeune littérature française du Nord-Ouest. De tout temps, les Bois-Brûlés, grands amateurs de musique et de danse, — la plupart jouent fort passablement du violon, — ont eux-mêmes composé leurs chansons de guerre, de chasse et de voyage. Ces chansons, œuvres de poëtes illettrés comme les anciens bardes d’Irlande et les premiers rapsodes de l’antiquité, ne brillent point sans doute par la précision rigoureuse du rhythme, ni par la richesse de la rime ; elles n’en sont pas moins curieuses à plus d’un titre. C’est pourquoi je reproduis ici la plus célèbre, celle du combat des Sept-Chênes, composée, le jour même de l’affaire, par un Bois-Brûlé qui, m’a-t-on dit, vit encore aujourd’hui à la Rivière Rouge, entouré de l’estime de tous ses compatriotes, et qui, bien que ne sachant ni lire ni écrire, a rempli pendant longtemps, dans sa paroisse, les fonctions de « magistrat » ; quelque chose comme juge de paix et arbitre. Les procès d’alors n’étaient pas assez compliqués pour que le bon sens et la droiture ne pussent suppléer à la connaissance approfondie du Digeste.

  1. Suite. — Voy. t. XXX, p. 97, 113, 129 ; t. XXXV, p. 225, 241 et 257.