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fortunez. Entreprise I.


garde) l’excés de ſa magnanimité, contrecarrant l’impetuoſité de celuy qui a la force en la main, ne laiſſa couler aucune larme de ſes yeux, aymant mieux en ce deſeſpoir ſe venger de l’Empereur en periſſant, que receuoir courtoiſie de luy en le priant. Ce luy fut vne tres-dure neceſſité, & insupportable ; mais quoy ? elle choiſit pluſtoſt d’eſtre ruynee, que de demordre de ſon exquiſe valeur, en implorant pour obtenir miſericorde. Quelques heures apres que l’Empereur eut eſté à par ſoy, il ſentit ſes penſees ſ’approcher de luy, & voyant le ſouuenir du paſſé eſtaler en ſa memoire, les tableaux de ſes fantaiſies, ſe trouua inquieté de maintes diuerfitez, qui conceurent en ſon cœur les viues ſemences d’vn poignant regret, lequel apres que la violente chaleur de ces malheureuſes vehemences fut vn peu attiedie, y fit vn nouuel eſtabliſſement, ſi que poinçonné iuſques au vif, il recognut l’erreur de ſon inconſideration, maudiſſant ſes inſolentes coleres : En ceſt eſtat eſmeu d’vne inquietude penchant à la repentance, il conferoit de ce qu’il deuoit faire, & ne ſcauoit comment ſe reſoudre, tāt eſtoit grand & penetrant le prompt venin de vengeance qui l’auoit empoiſonné, & ceſte mauuaiſtié n’eſtant encor bien conſumee, encor qu’il ſe repentit de telle fureur, il ne ſ’adonnoit en ſon agonie qu’à des reſolutions douloureuſes. En ſon lict, au lieu d’eſtre paiſiblement enueloppé du doux linceul de l’agreable ſommeil, qui eſt le plus doux effet de toutes les douceurs, il fut perſecuté de differentes repreſentations, par l’induction deſquelles la confuſion de ſon ame le ietta dās vn


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