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fortunez. Entreprise I.


elle auoit donnee, ils deuiſent longtēps enſemble, & auec telle modeſtie que les yeux n’y deſcouuroiēt riē de leurs affaires, ce que ſçauēt biē pratiquer ceux qui ont l’induſtrie de delayer les goutes du ſoupçon dans la liqueur des belles humeurs que les actions hōneſtes demeſlent. Ce Prince par pluſieurs diuerſes rencontres de propos luy ayant fait infinies humbles proteſtatiōs de ſeruices, qu’il reiteroit ſagement, & pourſuiuoit auec apparēce de zele, rendit certain le cœur d’Etherine que c’eſtoit ſans feintiſe qu’il s’offroit à elle, & que ces diſcours n’eſtoient pas des friuoles entretiens de court, mais des aſſeurāces de fidelité, parquoy elle luy repartit ainſi, Ie ne doute point, Prince accōpli, que ce que vous me propoſez d’affections ne ſoit vray, mais ie ne puis m’aſſeurer de voſtre cœur que par eſpreuue : Si vous auez de la paſſion pour moy, cōme tant de fois vous me l’auez proteſté, & ie le veux biē croire, pour ſçauoir s’il y a au monde vn fidele amāt, & parfait, lequel ayme ſa Dame ſeulemét pour l’amour d’elle-meſme, & que le ſoucy qu’il a de luy faire ſeruice ſoit ſans eſperer que ce qu’il luy plaira de recōpēſe, n’ayāt autre pretentiō, que d’auoir l’honneur & le plaiſir en ſon ame, de luy auoir fait ſeruice. Si vous eſtes tel que ie vous propoſe ceſt amant, & ſi voſtre deſſein eſt ainſi que ie le penſe, & qu’ayés enuie d’eſtre mien de la ſorte que ie le veux, i’en feray l’eſtat que ie dois : Aduiſez à m’en aſſeurer, afin que le ſçachant, ie m’adonne à vous & que nous ayons vne mutuelle certitude de noſtre deſir & de ſa fin. Or, pour ce que ie ſçay fort bien que quād ie voudray oublier la loyauté que i’ay promiſe à mō ame, & le ſermēt


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