Page:Le dragon blesse Croisset Francis 1936.djvu/245

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bandits et des courtisans, des ministres et des eunuques, et pour cadre des jardins mystérieux, des temples, des trônes et cet humble palais…

Je me demande de quel cœur il a subi tant de grandeur et de désastres, et surtout comment un destin aussi précocement bouleversé et tragique a trempé son âme. Les bolchevistes de Canton, les républicains de Nankin et de Pékin m’ont haineusement présenté l’empereur comme un dégénéré, voire un minus habens, mais des hommes que je tiens en haute estime m’ont parlé de lui avec admiration et respect : à peine ai-je échangé avec Kan-Teh quelques propos que ma religion est éclairée.

Je trouve un homme que l’expérience et la douleur ont mûri. Il me tend maintenant une cigarette avec un sourire qui le rajeunit encore mais qui n’atténue pas la gravité de ses yeux. Mesuré, réfléchi, il est averti non seulement de ce qui se passe dans ses anciens états, mais encore des événements d’Europe et de France car, par une bonne grâce qui me touche, c’est de la France qu’il me parle tout d’abord, heureux de m’entendre dire que la situation y est moins tendue et qu’une guerre nouvelle,