Page:Le financier et le savetier.pdf/19

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LARFAILLOU.
Le jeu, fièvre brûlante,

A causé son malheur :
Son âme est languissante ;
Il a bien mal au cœur !

Aboule, les frusques et les lunettes… et tous tes attributs de financier. (Il le dépouille de son habit et de ses lunettes. Belazor, anéanti, se laisse faire.) Combien t’avait-il coûté ton habit ?

BELAZOR.

Trois mille francs.

LARFAILLOU.

C’est chaud !

BELAZOR.

C’est en drap.

LARFAILLOU.

Je le vois bien ; mais c’est chaud ! trois mille balles !

BELAZOR.

C’est le prix !

LARFAILLOU.

Où ça ?

BELAZOR.

Chez Dusautoy !

LARFAILLOU.

Tu m’en diras tant !

BELAZOR.

Je ne mendierai jamais !

LARFAILLOU.

Je te dis : Tu m’en diras tant !

BELAZOR.

Je n’ai jamais mendié ! (Pendant qu’on le déshabille et que Larfaillou met ses habits.) Si j’avais prévu ce qui m’arrive, j’aurais agi différemment. Ô mes illusions ! ô mes millions ! j’avais un million d’illusions, et mes millions ne sont plus que des illusions ! C’est un grand malheur de s’illusionnère quand on est millionnaire. Je suis aussi désillusionné que démillionné ! Peut-être retrouverai-je des illusions, mais qui me rendra mes millions ?… J’ai froid !

LARFAILLOU.

Mets mes habits, je te les donne.

BELAZOR.

Oh !

LARFAILLOU.

De quoi ! Je les ai bien portés, moi qui suis très-riche.

BELAZOR.

Bien obligé, bon jeune homme !…