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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/189

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histoire du dormeur éveillé
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ô mon hôte, ne sois point étonné demain matin, après cette nuit où l’amitié se fait voir à nous sous l’aspect le plus engageant, si je suis obligé de te faire mes adieux. Et même si, plus tard, tu me rencontres dans les rues de Baghdad, ne trouve pas mauvais que je ne te reconnaisse plus ! »

Lorsque le khalifat eut entendu ces paroles d’Aboul-Hassân, il lui dit : « Par Allah ! ta conduite est une conduite merveilleuse, et de ma vie je n’ai vu un débauché se conduire avec autant de sagesse que toi ! Aussi mon admiration pour toi est à ses limites extrêmes : tu as su, avec le fonds que tu as gardé de la seconde part de ton héritage, mener une vie intelligente qui te permet d’avoir chaque nuit la société d’un homme nouveau avec qui tu peux toujours varier tes plaisirs et tes causeries, et dont tu ne saurais ni te lasser ni éprouver du désagrément ! » Puis il ajouta : « Mais, ô mon maître, ce que tu m’as dit au sujet de notre séparation pour demain me cause une peine extrême. Car j’eusse bien voulu reconnaître par quelque endroit ton bienfait sur moi et l’hospitalité de cette nuit. Je te prie donc dès maintenant de m’exprimer un désir, et, je te le jure sur la Kâaba sainte, je m’engage à le satisfaire. Parle-moi donc en toute sincérité, et ne crains point de grossir ta demande, car les biens d’Allah sont nombreux sur le marchand que je suis, et rien ne me sera difficile à réaliser, avec l’aide d’Allah…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.