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histoire du dormeur éveillé
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comme une mère regarde son enfant, lui dit d’une voix douce : « Ô mon fils, je ne crois pas que la loi d’Allah et de Son Prophète se soit retirée de ton esprit au point que tu puisses oublier le respect qu’un fils doit à sa mère qui l’a porté neuf mois dans son sein et l’a nourri de son lait et de sa tendresse ! Laisse-moi plutôt te dire, une dernière fois, que tu as tort de laisser ta raison s’enfoncer dans cette étrange songerie, et de t’arroger ce titre auguste de khalifat qui n’appartient qu’à notre maître et souverain l’émir des Croyants, Haroun Al-Rachid. Et, surtout, tu te rends coupable d’une bien grande ingratitude envers le khalifat, juste au lendemain du jour où il nous a comblés de ses bienfaits. Sache, en effet, que le chef trésorier du palais est venu hier dans notre maison, envoyé par l’émir des Croyants lui-même, et m’a remis de par son ordre un sac de mille dinars d’or, en l’accompagnant d’excuses pour la modicité de la somme, et en me promettant que ce ne serait pas le dernier cadeau de sa générosité ! »

En entendant ces paroles de sa mère, Aboul-Hassân perdit les derniers scrupules qu’il pouvait encore garder concernant son ancien état, et fut convaincu qu’il avait toujours été le khalifat, puisque c’était lui-même qui avait envoyé le sac de mille dinars à la mère d’Aboul-Hassân. Il regarda donc la pauvre femme avec de gros yeux menaçants et lui cria : « Prétends-tu, pour ton malheur, ô vieille calamiteuse, que ce n’est point moi qui t’ai envoyé le sac de l’or, et que ce n’est point par mon ordre que mon chef trésorier est venu te le remettre hier ? Et oseras-tu encore, après cela, m’appeler ton fils et me