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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/225

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histoire du dormeur éveillé
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les séparer, et arrachèrent le bâton des mains d’Aboul-Hassân et, indignés de la conduite d’un tel fils, ils l’empoignèrent pour l’empêcher de bouger et lui demandèrent : « Es-tu donc devenu fou, Aboul-Hassân, pour ainsi lever la main sur ta mère, cette pauvre vieille ? Et as-tu complètement oublié les préceptes du Livre Saint ? » Mais Aboul-Hassân, les yeux brillants de fureur leur cria : « Qui ça, Aboul-Hassân ? Qui appelez-vous de ce nom ? » Et les voisins, à cette question, furent extrêmement perplexes, et finirent par lui demander : « Comment ? N’es-tu pas Aboul-Hassân le Débauché ? Et cette bonne vieille n’est-elle pas ta mère, celle qui t’a élevé et nourri de son lait et de sa tendresse ? » Il répondit : « Ah ! fils de chiens, sortez de ma présence ! Je suis votre maître le khalifat Haroun Al-Rachid, émir des Croyants ! »

En entendant ces paroles d’Aboul-Hassân, les voisins furent tout à fait persuadés de sa folie ; et, ne voulant plus laisser libre de ses mouvements cet homme qu’ils avaient vu dans l’aveuglement de la fureur, ils lui lièrent les mains et les pieds, et envoyèrent l’un d’entre eux quérir le portier de l’hôpital des fous. Et, au bout d’une heure, le porteur de l’hôpital des fous, suivi de deux solides gardiens, arriva avec tout un attirail de chaînes et de menottes, et tenant à la main une cravache en nerf de bœuf. Et comme Aboul-Hassân, à cette vue, faisait de grands efforts pour se débarrasser de ses liens et lançait des injures aux assistants, le portier commença par lui appliquer sur l’épaule deux ou trois coups de son nerf de bœuf. Après quoi, sans plus tenir compte de ses