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Page:Le mécanisme du toucher, Marie Jaëll.pdf/139

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notre oreille, nous comparer aux sourds-muets. Il est parfaitement reconnu aujourd’hui que les mots qu’il a appris à articuler, tel sourd-muet arrive à les entendre, tandis qu’il est incapable d’entendre les mots qu’il articule mal[1].

En raison des mêmes faits, les pianistes peuvent être classés en deux catégories : ceux qui entendent mal, ceux qui entendent bien. Les uns ne cherchent qu’à acquérir l’agilité des doigts par la prolongation de l’étude des mouvements, les autres cultivent l’immobilité, la fixité d’attitude. On semble ignorer que dans l’exécution, certains doigts fonctionnant pendant que d’autres ne fonctionnent pas, le progrès suit une double évolution. Le rôle de l’immobilité est si important qu’on n’acquiert l’agilité artistique que par l’immobilité. Ainsi chez ceux dont l’agilité ne permet pas d’isoler les mouvements, la pensée musicale s’atrophie ou ne peut éclore ; chez ceux dont l’immobilité assure la fixité d’attitude qui sert d’appui aux mouvements, l’entendement intérieur se forme.

Dans l’étude du piano, le premier acte d’intelligence réside dans l’action musculaire des doigts, dont le degré de développement sert précisément à la psychologie physiologique de base pour déterminer le degré d’activité cérébrale de chaque individu. Le mécanisme de l’attention réside dans les muscles, qui, de même que des fils de caoutchouc, s’échauffent en se contractant. C’est donc

  1. Ch. Féré, L’éducation de la vue chez les sourds, Revue des Revues, 1er septembre 1895.