Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/118

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M. Scheurer-Kestner. — Vous m’empêchez de déposer, monsieur le Président.

M. le Président. — Je vous prie de répondre à cette question de M. Emile Zola : Quel a été, avec plus de détails, demande-t-il le résultat de votre entrevue avec le général Billot ; que s’est-ii passé, avec plus de détails que ceux que vous nous avez donnés tout à l’heure ? C’est là, je crois, le sens de la question de M. Emile Zola.

M. Sgheurer-Kestner. — En vérité, je suis bien embarrassé, parce que je ne comprends pas bien la question.

M. le Président. — M. Emile Zola vous prie de donner plus de détails que tout à l’heure.

M. Scheurer-Kestner. — Evidemment, ils n’ont pas grand intérêt ; mais je suis tout disposé à répondre au désir de M. Emile Zola.

M. Emile Zola. — Je voudrais indiquer à M. Scheurer-Kestner ce fait, que l’entrevue qui a eu lieu entre lui et M. le général Billot a été une entrevue de sénateur à ministre, mais a été aussi une entrevue plutôt d’ami à ami, et je voudrais lui rendre ce caractère.

Je voudrais qu’il soit bien prouvé que M. le général Billot a été averti par M. Scheurer-Kestner, qui l'a supplié, au nom du patriotisme, de prendre l’affaire en mains, de ne pas faire cet état de choses qui s’est produit depuis, de ne pas s’engager dans cette voie ; je voudrais que M. Scheurer-Kestner dise qu’il a tenu ce langage patriotique, jusqu’à en avoir les larmes dans les yeux, en parlant au général Billot de cette affaire.

Me Labori. — J’insiste pour que, lorsque le témoin aura commencé sur ce point sa déposition, il puisse continuer sans être interrompu.

M. le Président. — M. Scheurer-Kestner n’avait pas compris la question.

— Vous avez entendu la question, veuillez y répondre.

M. Sgheurer-Kestner. — La conversation que j*ai eue avec M. le général Billot, qui est mon vieil ami de vingt-cinq ans. a duré longtemps.

Oui, je l’ai supplié de porter toute son attention sur cette affaire qui risquait sans cela de devenir extrêmement grave. C’est à vous, lui disais-je, qu’il appartient de prendre les devants ; faites une enquête personnelle, ne vous en remettez à personne ; il y a dans certains bureaux des dossiers, faites-les venir, n’ayez aucun intermédiaire, faites une enquête personnelle, loyale. Et, si vous me promettez de faire cette enquête loyale et personnelle, eh bien ! je m’engage envers vous à me tenir en silence jusqu’à ce que j’en connaisse le résultat.

Quand je partis, le général Billot me demanda de ne rien ébruiter. J’acceptai, mais je mis une condition : il faut deux heures pour faire cette enquête, lui dis-je, je vous donne quinze jours, et pendant ces quinze jours je ne bougerai pas.

Or, c’est pendant ces quinze jours que les journaux du minis-