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LE MENDIANT NOIR

ses yeux de saphir au fond desquels se miraient toutes les délicatesses de la jeune fille et toutes les vertus d’une âme neuve et exquise. Elle regarda le jeune homme et le trouva beau, élégant, et elle crut lire qu’il était sincère. Au reste, depuis qu’elle l’avait vu au château, incident qu’elle n’avait pas raconté à son père, elle en avait gardé un souvenir qui n’avait eu rien de mauvais, car le jeune homme avait été poli et courtois à son égard. Maintenant qu’elle le voyait mieux, elle se sentait attirée vers lui par une douce sympathie. Elle sourit, et franchement, sans timidité, elle répondit :

— Monsieur, je suis tout aussi honorée que mon père. Mais je ne peux, prise à l’improviste que je suis, vous donner une réponse immédiate. Et puis, songez que nous sommes en deuil, et que…

— Mademoiselle, interrompit Gaston d’Auterive, j’ai omis de vous dire que je vous laisserai un an, deux, si vous voulez, pour prendre une décision.

— Je vous suis bien reconnaissante, monsieur, pour votre délicatesse. Mais je ne vous demanderai que six mois pour vous rendre la réponse, puis au bout d’un autre six mois…

— Ah ! mademoiselle, s’écria le jeune homme emporté par la joie, me laissez-vous donc un espoir ?

— Oui, monsieur… mais pas plus qu’un espoir… sourit doucement la jeune fille.

— Ah ! merci, mademoiselle…

Et comme s’il se fût trouvé à la cour du roi devant quelque grande marquise, le jeune homme mit un genou en terre, prit la main de la jeune fille et la porta respectueusement à ses lèvres.

Et se relevant, il dit, éclatant de joie :

— Dans six mois je reviendrai chercher la réponse à mon bonheur… Adieu !

Et, comme on le pense bien, au printemps de 1753, Constance Nolet, la fille de l’ancien mendiant, devenait l’épouse de Gaston d’Auterive, neveu de feu le Marquis de la Jonquière.

La fête fut si belle, que la décrire serait hors de nos aptitudes. Et là, pour tous ces personnages commençait un autre roman que nous laissons au lecteur de suivre de sa propre imagination.


FIN