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ARSÈNE LUPIN

la veille encore, ne se connaissaient pas, et qui, durant quelques jours, entre le ciel infini et la mer immense, vont vivre de la vie la plus intime, ensemble vont défier les colères de l’Océan, l’assaut terrifiant des vagues, la méchanceté des tempêtes et le calme sournois de l’eau endormie ?

C’est, au fond, vécue en une sorte de raccourci tragique, la vie elle-même, avec ses orages et ses grandeurs, sa monotonie et sa diversité, et voilà pourquoi, peut-être, on goûte avec une hâte fiévreuse et une volupté d’autant plus intense ce court voyage dont on aperçoit la fin au moment même où il commence.

Mais, depuis plusieurs années, quelque chose se passe qui ajoute singulièrement aux émotions de la traversée. La petite île flottante dépend encore de ce monde dont on se croyait affranchi. Un lien subsiste, qui ne se dénoue que peu à peu en plein Océan, et peu à peu, en plein Océan, se renoue. Le télégraphe sans fil ! appel d’un autre univers d’où l’on recevrait des nouvelles de la façon la plus mystérieuse qui soit ! L’imagination n’a plus la ressource d’évoquer des fils de fer au creux desquels glisse l’invisible message. Le mystère est plus insondable encore, plus poétique aussi, et c’est aux ailes du vent qu’il faut recourir pour expliquer ce nouveau miracle.

Ainsi, les premières heures, nous sentîmes-nous suivis, escortés, précédés même par cette voix