Page:Leblanc - De minuit à sept heures, paru dans Le Journal, 1931.djvu/66

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ne pouvons rester ainsi debout, vous contre le mur, moi contre la porte, à nous regarder… en ennemis, comme vous dites. Voyons, nous avons dansé ensemble, cet après-midi. Ce soir, vous m’attendiez, et il se trouve qu’Ivan Baratof, c’est moi… Vous m’avez ouvert de bon gré.

— Je vous ai ouvert parce que je m’y étais engagée.

— Oui. Alors, ne pensez-vous pas ?…

Il avança encore.

— N’avancez pas ! cria à nouveau Nelly-Rose.

Et, bouleversée de terreur, perdant la tête, n’ayant qu’une idée : être protégée, elle étendit le bras et appuya le doigt sur la sonnette électrique qui était au mur près d’elle.

Le visage de Gérard devint dur. Il eut un ricanement :

— Ah ! ah ! Je vois que toutes les précautions étaient prises ! Un coup de sonnette et on me met à la porte… malgré l’engagement. Mais soyez tranquille, je m’en vais.

Victorine, à ce moment, entrait. Sa surprise avait été grande d’entendre la sonnette qui l’appelait chez Nelly-Rose qu’elle croyait absente. Cette surprise devint de la stupéfaction quand elle vit la jeune fille en compagnie, à cette heure indue, d’un jeune homme qu’elle reconnut pour être un des visiteurs de l’après-midi. Mais, en femme de chambre bien stylée, elle réprima son étonnement.

— Mademoiselle a sonné ? dit-elle.

Il y eut un petit silence. Dans un effort d’orgueil et de volonté, Nelly-Rose reprit son sang-froid et se rapprocha du milieu de la pièce.

— Une erreur, Victorine. Laissez-nous.

Et, comme la femme de chambre hésitait :

— Laissez-nous, je vous dis. Et vous et Dominique pouvez monter dans vos chambres. Je n’ai pas besoin de vous.

— Bien, mademoiselle.

Victorine obéit à regret, mais en se disant à elle-même, tout en suivant le long couloir :

« Bien sûr que non, je ne monterai pas. Ce type-là il a tout d’un bandit en habit noir.

— Veuillez rester, monsieur, dit Nelly-Rose à Gérard quand ils furent seuls. J’ai eu tort, je n’appellerai plus… et du reste, vous avez entendu, on ne sera plus là pour me répondre.

Elle s’efforçait au calme. Il admira sa grâce et son courage. Sa conquête lui apparut plus encore désirable. Cependant, une autre pensée, sans doute, lui traversa l’esprit. Une minute, il resta silencieux et comme préoccupé… La jeune fille inquiète l’observait. À quoi songeait-il ?