Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
250
L’ENTHOUSIASME

cloche. Il y eut deux bonnes sœurs dont les talons relevaient le bas des jupes. Il y eut une femme et trois enfants, et puis un monsieur du Cercle que je saluai et qui me salua, et puis un facteur qui me sourit, et puis un ouvrier qui boitait. La dernière personne fut une amie de Berthe Landol. Son porte-monnaie tomba, je ne le ramassai pas : une voiture débouchait de l’avenue et sautait sur les pavés de la cour.

L’idée de la mort me frappa. Oui, je pouvais mourir là, d’un coup, avant d’avoir le temps… « Geneviève, Geneviève, murmurais-je, comme si ce nom m’eût protégé. Oh ! ma chérie… ma Geneviève… »

Le fiacre s’arrêta. Quelqu’un descendit, c’était mère.

Je voulus me dissimuler derrière des piliers. Mais elle venait directement à moi. Mes yeux se jetèrent du côté de l’horloge : encore sept minutes. Inévitablement mère et Geneviève se trouveraient l’une en face de l’autre.

— Je te cherchais, me dit-elle.

— Tu me cherchais ? Allons donc… pourquoi faire ?

J’étais fou. Le tournant de l’avenue, l’horloge, les voyageurs, je ne savais plus où regarder…

— Je m’en vais, mère, laisse-moi, cela vaut mieux.

— Tu ne t’en iras pas.

— Je ne m’en irai pas !