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L’ENTHOUSIASME

suis remis à ta mère, c’est elle qui a agi et qui a sauvé Geneviève une première fois…

Comme il souffrait aussi, par ma faute, celui-là, et comme il m’apparaissait différent de l’image que je m’en faisais, plus indulgent, plus sensible, tout près de la bonté et de la simplicité. Certes il ne se rendait pas un compte exact des motifs qui l’avaient gouverné, et sa gratitude et son admiration pour mère ne suffisaient pas à expliquer sa patience. Il y avait là de la faiblesse humaine, un peu de lâcheté, la peur du scandale, et ce recul éperdu des maris devant l’atroce vérité. Mais quelle mélancolie touchante en son illusion ! Quel sens du respect et du dévouement ! Quelle délicatesse de cœur envers celle qui l’avait protégé ! Même en ce moment douloureux, il se la rappelait à travers moi. Je n’étais plus le rival exécré qui lui avait volé l’affection de sa femme, j’étais le fils de Mme Devrieux, je gardais à ses yeux un certain prestige, et, malgré lui peut-être, il me parlait comme il devait parler à sa bienfaitrice, avec un abandon presque ingénu, m’avouant son chagrin, me montrant les plaies de son âme.

Je sentis tout cela sans me l’exprimer et, bien que je ne lui reconnusse aucun droit sur Geneviève et que nul remords ne m’agitât, sa peine me fut lourde et la mienne s’en accrut.

— Oh ! Philippe, Philippe, balbutiai-je, plein de pitié pour nous deux.

J’aurais voulu presser sa main et lui dire des