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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/220

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LA MACHINE À COURAGE

« — Vous avez encore du temps à vivre. Oui, venez déjeuner demain et vous lirez. »

Il murmure des mots que je ne comprends pas. Finalement je saisis :

« — Foie malade, tous les organes bloqués. » Il me regarde encore longuement, précisant — « Oui… je le ferai pour vous. »

Je voudrais crier mille mercis, mais je sais qu’il faut rester impassible, qu’il lit en moi. J’articule péniblement

« — Merci. »

Je déjeune avec lui, sa famille et quelques élèves. Après déjeuner il apporte son manuscrit et me montre une armoire dans une petite pièce à côté de la salle à manger. Il le laissera là à ma disposition. Je pourrai venir lire quand je voudrai.

Je vais donc chez lui presque tous les jours. Je lis avec concentration comme si ma vie dépendait de la difficile pensée qui sort de ces pages.


28 et 29 Juin. J’ai encore une forte crise du foie et du plexus[1].


Jeudi 16 Juillet. Je lui déclare que je suis changée, je n’ai pas souffert pendant deux semaines — cela ne m’est jamais arrivé en l’espace de vingt années. Heureux et pas étonné. Il affirme qu’il a voulu cela, qu’il a un but. Il répète pour la deuxième fois. « Vous êtes jeune » : J’ai compris plus tard que pour lui c’est une question de glandes. Il explique que je puis espérer… que le travail prendra cinq années. On ne peut rien atteindre si l’on ne mène pas de front l’esprit et le corps. C’est la foi qui draine la chair. Au Thibet, les prêtres sont des docteurs et vice versa.

Il dit aux personnes qui étudient sa science que mon cas l’intéresse :

« — Elle était candidate à la mort, elle est déjà candidate à la vie… » Au déjeuner il me regarde avec des yeux pleins de malice.

  1. Ce fut la dernière.