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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/224

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LA MACHINE À COURAGE

15 Novembre 36. Les efforts à faire sont infinis et presque sans espérance, mais croire enfin qu’une vérité existe, qu’elle est là, que l’on marche vers elle, est assez. Je comprends maintenant que le bonheur n’était rien, que les éblouissements de l’amour et de l’art n’étaient que d’agréables trompe-l’œil (il faudrait dire trompe-l’âme) suscités par un organisme avide de se manifester. Je constate que mon subconscient a vécu malgré moi comme un trésor au fond d’une cave. Il fallait bien vivre d’abord longtemps, longtemps, selon les lois habituelles…


20 Novembre 36. Une des plus grandes vertus de Gurdjieff est d’avoir su rendre accessible à l’entendement humain les vérités les plus impossibles à concevoir pour le cerveau de l’homme.


Fin Novembre 36. Après le dîner, il joue. Spectacle unique — Gurdjieff jouant sur son petit orgue. On voit la musique « passer » par lui. Il exécute, il n’est pas l’exécutant. Il est directement le moyen d’expression d’un « penser impersonnel » — serviteur parfait d’une idée. On voit vivre un homme — un cercle. On entend un langage qui emprunte à l’art son essence même pour s’ajuster exactement à une forme qu’il veut communiquer. Et quel regard extraordinaire — la richesse de son sourire — richesse de bonté, richesse de vérité.


25 Décembre 36. Réunion extraordinaire chez Gurdjieff. Autre âge — patriarche distribuant des trésors. Le petit appartement est plein — beaucoup de gens de sa famille, des amis de la famille, le concierge et sa famille, d’anciens vieux domestiques. L’arbre de Noël trop grand, trop haut, est plié contre le plafond et ses étoiles retombent.