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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/230

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LA MACHINE À COURAGE

moi en esprit une succession d’arcanes dont je ne verrai pas la fin, et que je franchirai quoi qu’il advienne.

Pour ceux qui n’avaient jamais voulu et cherché toute leur vie, c’était presque facile. Mais pour moi c’est l’aboutissement périlleux de ce que j’ai toujours cherché, et cherché sans espoir. Ma fin, je croyais comme tout le monde, que ce serait ma mort. Maintenant arrive une fin avant la fin, une mort avant ma mort. Et cela, c’est pour gagner la vie.

Je ne peux pas écrire ces mots sans trembler : « I will do ».


19 octobre 37. Cinq heures du matin dans ma chambre, Casimir Périer. Le ciel est bleu opaque derrière les arbres encore printaniers, c’est heureux et calme. Mon Dieu ! pour quoi ai-je su que l’on peut vivre sur un plan autre que l’humain facile qui m’apparaît de plus en plus comme un lit de roses. Je l’aimais cette vie. Je l’avais enfin obtenue selon ma conception, tournée uniquement vers l’esprit et adoucie par de la tendresse parfaite sans jamais une ombre d’incompréhension. Jusqu’à quel point sera-t-elle modifiée par un sacrifice nouveau ? Je ne sais.

À onze heures Margaret et moi demandons au Maître de « commencer ».

19 octobre, soir. Il consent et nous donne rendez-vous pour demain, chez lui, à 13 heures.


20 octobre 37. Dès notre arrivée il explique à nouveau ce que nous savons — nécessité d’être décidées ; savoir que le travail sera de plus en plus dur ; pas trop tard encore pour dire : Non. Il ne parle pas des récompenses. La première pour moi est celle-ci : il veut que nous nous aidions réciproquement.


21 octobre 37. Temps divin au Luxembourg — tourbillons de feuilles mortes. J’ai commencé le nouveau travail expliqué par Gurdjieff d’une façon si claire, si totale que je l’ai compris sans savoir précisément les mots. Pour moi c’est une révélation toujours attendue — ce fait, ce geste tangible, réel, qui a dans mon être des répercussions infinies.