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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/41

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LE FEU QUOTIDIEN

« — Si vous ne me montrez pas vos changements, rien ne paraîtra. J’ai exigé que pas un mot ne serait changé sans mon consentement… On m’a promis de se conformer à ma volonté, vous ne me forcerez pas…

Véral protestait, la mine bouleversée.

« — Vous n’y songez pas, ma chère… comment pouvez-vous penser… comment pourrions-nous vous déplaire… nous sommes prêts à faire n’importe quel sacrifice pour vous éviter une peine… »

« — Je ne demande rien. J’exige mes droits… »

Read avait repris son expression lasse. La pluie de l’ennui tombait de nouveau devant ses petits yeux roux.

Ils me quittèrent piteux, mais promettant de me soumettre les changements nécessaires.


Tous les jours Véral téléphonait :

« — Je suis là, ma chère, dormez en paix ! Votre situation est excellente, je fais savoir en sourdine que vous êtes à New-York, le mystère vous entoure, la curiosité s’éveille. »

Nous vivions modestement, mais les frais indispensables étaient lourds. La négresse coûtait plus d’un dollar par jour. Le sourire du janitor lui rapportait un dollar par appartement — ce qui élevait à soixante dollars par mois les appointements de ce personnage. Le blanchissage qui revenait chaque semaine neigeux, gaufré, étoilé de bleu comme un trousseau de province, coûtait très cher. Mon manager puisait pour nous, à la caisse du journal, une soixantaine de dollars par semaine.


Brusquement Véral « oublia » de nous apporter de l’argent. Monique lui téléphona :

« — Voilà deux semaines que nous sommes sans ressources… »

« — Vous avez fait des notes chez les fournisseurs ? Aucune importance, je vous apporterai cinq cents dollars après-demain et vous réglerez tout à la fois, c’est bien plus simple. »

Cet après-demain ne vint jamais. Il nous fallut encore réduire