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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/51

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MONNA VANNA AU MANHATTAN OPERA

Je me dirigeai du côté de Muratore. Il me vit par-dessus la foule et dans un grand geste :

« — Place à Monna Vanna ! »

Puis :

« — Comment ne vous a-t-on pas encore entendue à New-York ? Que faites-vous ? Quel est votre manager ?

Au nom de Hearst, il bondit :

« — Hélas ! si je ne partais pas ces jours-ci, comme j’aimerais à vous tirer de là ! »

La fin du troisième acte arriva. Je devais faire le geste pour lequel j’étais venue. La poitrine de Madame Hammerstein soulevait un étalage de perles et de diamants. Son visage était bon, ses yeux très doux.

La foule sortit. Madame Hammerstein et moi nous nous tenions dans la salle éteinte, au bas du grand escalier. Je disais ma situation. Elle me serrait les mains. J’abordai la question difficile… je ne pouvais plus lutter sans argent, voudrait-elle m’acheter mon chinchilla ?

Elle se laissa tomber sur les premières marches de l’escalier, la tête dans les mains, pleurant à grands sanglots, murmurant sa détresse… son théâtre hypothéqué, ses dettes, ses créanciers, la recette saisie chaque soir, ses vrais bijoux remplacés par des faux, dans son appartement plus de meubles, rien à manger, elle ne songeait plus qu’à se tuer — elle n’imaginait pas que l’on pût vivre sans luxe…

Ce fut moi qui la consolai…

Quelque temps après, j’appris qu’elle s’était tuée.


Chez moi, Monique m’attendait angoissée. Au bruit de l’ascenseur elle ouvrit la porte. Véral se tenait derrière elle, pâle et nerveux.

« — J’étais trop inquiet pour partir avant votre retour. »

« — Que craigniez-vous donc ? Les roues de l’autobus ou l’attraction de l’Hudson ? »