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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/85

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LA MISÈRE EN AMÉRIQUE

réfléchisse pour s’affranchir toujours plus, jamais pour subir, hésiter, revenir sur ses pas. On est porté, allégé, poussé en avant.


Particularité de la misère en Amérique — les pauvres sont tout de même des messieurs et des dames. Ils sont soignés, propres, c’est beaucoup plus triste.


Je vais voir la maison d’Edgar Allan Poe. Si touchant. Adorable vieux bungalow dans un jardin. Un petit coin de paix et de poésie respecté au milieu des buildings modernes qui s’élèvent tout autour et de rues sillonnées de tramways. Une vieille femme fait visiter les deux petites pièces dont on a gardé le mobilier désuet. Sur la haute cheminée de la cuisine salle-à-manger, un corbeau noir empaillé : — « C’était son corbeau », dit la vieille.


Est-ce plus de charmes, plus d’intelligence, plus de bonté qui me font aimer le caractère américain. J’analyse souvent mon contentement auprès de ces femmes et même auprès de ces hommes envahis de timidité dès qu’on leur parle. C’est leur façon de vivre avec tempérament. Chez nous, on ne voit pas le tempérament. Il sert l’œuvre ou l’action comme un rouage. En Amérique c’est une évidence, c’est l’indispensable. Ils sont tous des tempéraments, et pas seulement des tempéraments-serviteurs. J’ai vu des milliardaires « piaffer », exploser, s’enivrer de vie comme des artistes.