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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/94

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LA MACHINE À COURAGE

de vie universel. Ses adorables vibrations de joie sont encore plus intenses dans les jours de fête.

L’âme remplace la jeunesse. Peu à peu Margaret s’est avancée jusqu’au bord de ma vie, si colorée, si vivace qu’il n’y a pas de différence apparente. Elle a recouvert le corps de printemps, mais je suis seule à savoir tout ce qu’elle m’a donné en secret.


La date de publication du Sunday American arriva. L’avocat Ernst, secondé par Bob, attaqua le journal à coups de papier timbré. La direction se dérobait. Les agents de Hearst voulaient éviter le procès. Finalement Ernst proposa une transaction : pour rembourser les avances que j’avais reçues, la publication aurait lieu en partie, mais à condition qu’aucune épithète injurieuse, aucun mot blessant ne serait accolé au nom de Maeterlinck. On s’abstiendrait également d’ajouter des infamies sur la France et sur les Français. Les épreuves seraient soumises à mon avocat. Peu de temps après, Margaret les corrigea. Mon texte était respecté.

Après une année de drames avec le groupe Hearst tout semblait se conclure avec une simplicité qui aurait dû me faire suspecter une nouvelle trappe. Mais je ne voyais aucune possibilité de traîtrise et sans aucune crainte, le jour de la publication, je me rendis au New York American pour voir les premiers numéros.


Je tournais au coin de la rue où se trouve la prison Hearst. Des morceaux de papier déchiquetés traînaient dans le ruisseau et sur le trottoir — rouges, comme trempés dans le sang. Devant la porte ouverte une procession de voitures à bras était arrêtée. Chacune était coiffée de deux immenses affiches posées en sandwich. Des colonnes s’élevaient autour de la porte, elles étaient formées par des piles d’affiches. Des hommes sortaient en courant, empoignant des paquets, ils se précipitaient de tous côtés, criant en anglais des choses que je ne comprenais pas. D’autres, grimpés sur des échelles