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LE VERTIGE

émouvant, avec sa bouche aux lèvres charnues et rouges sur des dents fortes, éclatantes, aux yeux étincelants de fièvre sensuelle sous les cheveux crépelus, d’un fauve ardent.

Et, dénouant une écharpe de soie jaune qui lui cachait le haut du buste, elle découvrit ses épaules, ses seins nus.

— Pigez-moi s’ils se tiennent bien dans le monde, mes deux petits frères ! Et le nez en l’air… comme moi ! Touchez-moi ça, messieurs. Et vous aussi, madame. Pour fermes, ils sont fermes !

Elle saisit la main de Dominique, la porta, la frotta avec un ronronnement de plaisir sur les pointes frémissantes de sa gorge. Dominique, comme inconsciente, la laissait faire, son autre main se crispant au bras de Patrice, lequel regardait obstinément les deux danseuses qui riaient toujours d’un rire provocant, énervé.

— Allons, c’est pas tout ça, le champagne ! cria la Pierreuse, en faisant circuler les verres remplis à mesure par Julot.

Tous burent, les hommes surexcités par le vin, surexcités par la chair nue des femmes, montrée puis voilée, et dévoilée, ne savaient plus exactement ce qu’ils faisaient, gagnés par un désir qui s’exaspérait. Ils riaient, trinquaient, les yeux luisants,

Dominique, elle-même, toujours cramponnée au bras de Patrice, riait tout haut, d’un rire faux et crispé.

— Mon chéri, mon chéri, je m’amuse, dit-elle d’une voix mal assurée.

— Tiens, encore un peu de champagne…

— Tu crois ?… non, non ! ça me ferait mal !… Donne, je veux bien… Oh, tu crois, encore une coupe !…

— On danse ? cria tout à coup la Pierreuse. Venez !

Elle entraîna par la main Antoine et Patrice, Dominique tenant le bras de celui-ci suivait en titubant.

Les deux danseuses, en habituées de ce genre de parties, dans le coin de la pelouse où tous se massèrent sans plus songer à danser, enlaçaient tour à tour chacun des hommes qui sans bien se rendre compte de ce qui se passait respiraient leur parfum grisant, sentaient leurs formes souples et tièdes plaquées contre eux.

Julot, deux bouteilles de champagne à la main courait de l’un à l’autre. La Pierreuse avec des rires hystériques étreignait les