Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/170

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Florence avait un peu tourné son fauteuil, et don Luis discernait mal son visage, que la lumière n’éclairait pas. Mais il voyait en plein celui de Gaston Sauverand, et il l’observait avec une curiosité ardente et une colère qui s’avivait au spectacle des traits, jeunes encore, de la bouche expressive, des yeux intelligents et beaux malgré la dureté du regard.

— Eh bien, quoi, parlez ! fit don Luis d’un ton impérieux. J’ai accepté une trêve entre nous, mais une trêve momentanée, le temps de dire les paroles nécessaires. Avez-vous peur, maintenant ? Regrettez-vous votre démarche ?

L’homme eut un calme sourire et prononça :

— Je n’ai peur de rien, et je ne regrette pas d’être venu, car j’ai le pressentiment très net que nous pouvons, que nous devons nous entendre.

— Nous entendre ! protesta don Luis avec un haut-le-corps.

— Pourquoi pas ?

— Un pacte ! un pacte d’alliance entre vous et moi !

— Pourquoi pas, c’est une idée que j’ai eue déjà plusieurs fois, qui s’est précisée tout à l’heure dans le couloir de l’instruction, et qui m’a conquis définitivement lorsque j’ai lu la reproduction de votre note dans l’édition spéciale de ce journal : Déclaration sensationnelle de don Luis Perenna. Mme Fauville serait innocente

Gaston Sauverand se leva de sa chaise à moitié, et, martelant ses paroles, les scandant de gestes secs, il murmura :

— Tout est là, monsieur, dans ces quatre mots : Mme Fauville est innocente. Ces quatre mots, que vous avez écrits, que vous avez prononcés publiquement et solennellement, sont-ils l’expression même de votre pensée ? Croyez-vous, maintenant, et