Page:Leblanc - Les Lèvres jointes, paru dans Le Journal et La Lanterne, 1897-1901.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Et puis, cela répondait à d’autres choses plus inexplicables… J’étais lasse de vérité… Tout mon amour, tous mes instincts la réclament, mais il y a quelque part en moi un instinct sournois qui proteste… il veut le mensonge, lui… et je t’ai menti, surtout je me suis menti à moi-même… Et si bien que j’étais ma dupe… Oh ! oui, il faut que je te l’avoue, j’ai cru parfois à Marc. J’ai eu des soirs près de toi où j’étais ivre de son souvenir, et des matins où l’attente me remuait délicieusement. Et, par là, j’apaisais mon mal d’hypocrisie…

Le flot de vérité s’infiltrait en lui, noyant les doutes et les souffrances, lavant les blessures d’orgueil. Et, soudain, les derniers obstacles furent arrachés et, de toute sa force, de toute son intelligence, il ajouta foi aux paroles de Régine. Elle en eut d’intuition.

— Oh ! tu me crois, s’écria-t-elle, tu me crois ; comment est-il possible que tu me croies !

Elle pleurait à son tour. Il joua doucement avec les boucles de ses cheveux. Le grand trou vide que laisse la douleur ne peut s’emplir que de bonté. Il dit :

— Chère petite âme courageuse qui as lutté toute seule contre les ennemis obscurs qui sont en chacun de nous, chère petite âme blanche qui as défendu vaillamment ta blancheur, je t’aime plus qu’avant, et je te respecte. Si tu as employé l’arme de perfidie, c’est que la nature ne t’en a pas donné d’autre. Continue la lutte, seule toujours, car tu es digne de combattre seule…

Il reprit le livre.

— Tiens, voilà ton unique allié… déverse sur lui ce que ton âme délicate recèle encore de menues faiblesses et de rêves involontaires. Revois Marc, et raconte-lui notre histoire et mon chagrin,