Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/178

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— Je sais tout. Ma femme m’a menacé d’une séparation si ça continuait. Tu m’as bien arrangé, toi, je te remercie. Enfin, ça vaut mieux… Je vais à notre chambre. À tout à l’heure.

Elle ne répondit pas, outrage qui lui parut une prouesse. Sa vertu triomphait de ce premier assaut. Il n’était plus de péril maintenant qu’elle ne pût affronter. Et pour s’en donner des preuves convaincantes, elle foudroya les hommes qui la croisaient d’un regard de mépris. Une allégresse la soulevait. Elle se sentait forte, pure, inaccessible.

Elle aborda Mme Bouju-Gavart, le front haut, n’ayant plus de reproche à essuyer. En quelques heures, ne s’était-elle pas lavée des taches qui la salissaient ? Aucune distance morale ne la séparait de sa nouvelle amie. Deux femmes également honnêtes devisaient. L’une valait l’autre.

Ces bonnes dispositions ravirent Mme Bouju-Gavart. Elle discernait dans cette effervescence de néophyte un symptôme avéré de conversion. Elle la bourra d’avis excellents, de maximes salutaires et de recettes de cuisine propres à flatter la gourmandise de Robert.

— Il ne faut rien négliger quand il s’agit de se concilier l’attachement de son mari. La ménagère y réussit, hélas ! souvent mieux que l’épouse ou que l’amante.