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prade, D. Laprade, Deville, Lejeune, Loupy, Amelin, Potier, R. Royer.


Toute la fortune de la famille de Leconte de Lisle consistait autrefois en terres que mettait en valeur le travail des esclaves. Son père en avait aliéné la plus grande partie, mais il avait acquis un assez imposant nombre de noirs qu’il louait aux voisins ; il en avait même dressé quelques-uns, et certains ouvriers habiles ou contre-maîtres expérimentés se vendaient, paraît-il, jusqu’à une dizaine de mille francs. L’abolition de l’esclavage devait ruiner ce père qui, depuis si longtemps, attend impatiemment le moment où il pourra regagner la France après fortune faite[1], qui regarde la colonie comme une prison, qui maintenant va s’y voir indéfiniment retenu. L’initiative libératrice de Leconte lui devait valoir la colère paternelle avec les représailles ; mais l’idée domine toujours les contingences égoïstes. Au 27 avril, le Gouvernement provisoire décrète que l’esclavage sera entièrement aboli deux mois après promulgation.

Le commissaire de la République, Sarda Garriga, est à cet effet envoyé à la Réunion. Sans trahir son mandat, comme il lui fut plus tard si injustement reproché, il use d’une délicate politique de conciliation qui veut ménager ensemble les intérêts des deux populations blanche et noire. Pour que les

colons ne soient points par une brusque privation

  1. Voir les lettres de 1837 publiées par M. Tiercelin. — il avait des revenus assez considérables, dit M. Ch. Bellier-Dumaine, puisqu’en 1837 il faisait à une seule maison du Havre un envoi de 100.000 livres de sucre.