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LE LÉVRIER DE MAGNUS.


Hâlé par de lointains soleils, il est de ceux
Que, jadis, le César Souabe à barbe rousse
Emmena pour aider aux Chrétiens angoisseux.

Il eut, en ce temps-là, mille vassaux en trousse,
Serfs et soudards, bandits de la plaine et du Rhin,
Son cri de guerre étant : Sus ! Oncques ne rebrousse !

Tous étaient gens de sac et de corde et sans frein,
Assoiffés du butin des villes merveilleuses
Aux toits d’or, aux pavés d’argent, aux murs d’airain.

Rêvant meurtre et pillage et nuits luxurieuses,
Casqués du morion, lance au poing, cotte au flanc,
Ils l’ont suivi dans ses aventures pieuses.

Sur la route, à travers les royaumes, brûlant
Et saccageant, mettant à mal les belles Juives,
Ils ont rôti les Juifs couchés au gril sanglant.

Aux exécrations des bouches convulsives
Ils répondaient avec les rires de l’Enfer,
Et leurs dagues gravaient la croix dans les chairs vives.

Puis, ils ont vu Byzance et l’éclatante mer,
Et meurtri le sein blanc des Idoles divines
Sous les coups qu’assénaient leurs gantelets de fer.

Enfin, ivres déjà de sang et de rapines,
Vers le Sépulcre saint, sans plus tourner le dos,
Ils se sont enfoncés aux terres Sarrasines.