Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/178

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Où s’agitaient des morts tes muettes reliques.
Et l’homme, sans mourir, n’aurait point écouté
Ce cri de désespoir dans l’espace emporté,
Car c’était un sanglot de l’angoisse infinie,
C’était Dieu qui suait sa sueur d’agonie !

Vous l’entendîtes seuls, Anges des cieux venus !
Vos yeux, brûlants de pleurs jusqu’alors inconnus,
Pour consoler au moins sa détresse sublime,
Versaient leur pitié sainte à la grande Victime ;
Et toi, Gethsémani, qui dois fleurir un jour,
Aux soupirs de ton Dieu tu tressaillais d’amour !

Enveloppé d’un pan de sa robe grossière,
Il s’agite et frémit, le front dans la poussière.
Ses longs cheveux épars, où palpitent encor
Quelques mornes reflets de l’auréole d’or,
Traînent confusément, pleins de fange et de sable.
Il sent gémir en lui la race périssable :
Tous les siècles éteints renaissent sous ses yeux ;
Et, criant à travers le silence des cieux,
Les flots du sang versé, tels qu’une mer d’écume.
Montent jusqu’à son cœur abreuvé d’amertume.
Ô Jardin du Cédron, lieu sinistre et sacré,
Ô refuge suprême où David a pleuré,
Tu vis le Juste, en proie à l’angoisse profonde,
Racheter par l’amour les souillures du monde,
Et, tout chargé des maux et des remords humains,
Élever dans la nuit ses suppliantes mains :