Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/53

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L’Église ni Jésus ne manquent de témoins.
Mille autres surgiront du sang de mon cadavre,
Mille autres brandiront le glaive qui vous navre ;
Et je vois, au delà de ce siècle, approcher
Le jour où, dans le feu du suprême bûcher,
Le dernier d’entre vous, qu’un autre feu réclame,
Aux vents du Ciel vengé rendra sa cendre infâme.
Tuez ! Je vous défie et vous hais.


                                                — Qu’il soit fait
Ainsi que tu le veux, Moine ! dit le Parfait.
Au nom des justes morts, crève, bête enragée !
Va cuver tout le sang dont ta soif s’est gorgée.
Ô monstrueux bâtard, fruit impur et charnel
De Rome la Ribaude et de Satanaël,
Sans qu’il puisse jamais la revomir au monde,
Rends-lui, plus maculée encor, ton âme immonde ;
Et, du fond de l’abîme où tes dents grinceront
Sous le reptile en feu qui rongera ton front,
Entends crier vers toi, de la terre où nous sommes,
Les exécrations des siècles et des hommes !
Va ! Meurs ! —


                          Et le couteau tendu, rigide et lent,
Du sinistre martyr troua le cœur sanglant.
Et lui, plein d’un frisson d’inexprimable extase,
Renversa doucement sa tête blême et rase ;
Un sourire de joie et de ravissement
Sur ses lèvres erra voluptueusement ;
Son regard s’en alla vers la voûte infinie