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Histoire du Christianisme.

mœurs scandaleuses des prêtres et des clercs, leur ignorance égale à leurs vices, ne fournissaient aux hérétiques que des sujets trop réels de déclamations violentes. Car, du mépris des ministres, le peuple passa facilement au mépris de la religion. »

L’abbé Guyot dit dans un autre passage avec une singulière ingénuité : « Ces sectes avaient des erreurs particulières ; mais elles s’accordaient toutes à se déchaîner contre le clergé, à attaquer les cérémonies de l’Église, les reliques des saints, les sacrements, les indulgences, afin d’enlever aux ecclésiastiques la source de leur crédit sur l’esprit des peuples. »

Voilà, en effet, en quoi consistait le crime irrémissible des Albigeois.

Ils étaient Manichéens, mais ils avaient modifié le Manichéisme primitif en ce qu’ils admettaient que Dieu avait produit le mauvais principe, Lucifer, qui n’était, il est vrai, devenu tel qu’après sa révolte. Dieu avait alors créé Jésus-Christ pour combattre Lucifer, et la lutte entre eux devait être perpétuelle. Ce monde et ses habitants étant l’œuvre du mauvais principe, et les âmes étant des démons emprisonnés dans les corps, ils niaient la résurrection de la chair et condamnaient le mariage. Ils se partageaient cependant en deux ordres : les Parfaits et les Auditeurs. Les premiers professaient le spiritualisme et les mœurs les plus austères ; les autres aspiraient à l’initiation supérieure, mais n’y étaient point parvenus. On les massacra et on les brûla pendant dix-huit ans.