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UN COUCHER DE SOLEIL.


Soudain le géant Orion,
Ou quelque sagittaire antique,
Du côté du septentrion
Dresse sa stature athlétique.

Le Chasseur tend son arc de fer
Tout rouge au sortir de la forge,
Et, faisant un pas sur la mer,
Transperce le Rok à la gorge.

D’un coup d’aile l’oiseau sanglant
S’enfonce à travers l’étendue ;
Et le soleil tombe en brûlant,
Et brise sa masse éperdue.

Alors des volutes de feu
Dévorent d’immenses prairies,
S’élancent, et, du zénith bleu,
Pleuvent en flots de pierreries.

Sur la face du ciel mouvant
Gisent de flamboyants décombres ;
Un dernier jet exhale au vent
Des tourbillons de pourpre et d’ombres ;

Et, se dilatant par bonds lourds,
Muette, sinistre, profonde,
La nuit traîne son noirs velours
Sur la solitude du monde.