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POÈMES BARBARES.


De la Béatitude auguste où je vous vois,
Mettez votre candeur héroïque en ma voix ;
De l’éblouissement de vos joyeux domaines
Penchez-vous au plus noir des ténèbres humaines,
Voyageurs du beau ciel, Anges et Séraphins,
Qui nagez richement dans vos gloires d’ors fins,
Et faites sur ma langue, au vent frais de vos ailes,
Pétiller et flamber le feu des meilleurs zèles.
Puis, veuille m’assister le divin Paraclet
Par qui l’humble ignorant mieux qu’un docte parlait !

Ô mon Seigneur Jésus et madame la Vierge,
Plus d’huile dans la lampe et plus de mèche au cierge !
La moisissure mord le vélin du missel,
Et tout soleil mûrit le mal universel,
Depuis que, divisant la Chaire principale,
Trois cornes ont poussé sur la mitre papale :
Trois rameaux fort malsains, de malice nourris,
Florissants au dehors, mais au dedans pourris ;
De sorte que, voyant, par le temps et l’espace,
Sous cette ombre, la fleur de la foi qui trépasse,
La charité décroître et l’espoir s’engloutir,
Le rocher du salut, Pierre, prince et martyr,
Pleure. La route est vide où s’en venaient les âmes ;
Toutes cuisent, sitôt la mort, aux grandes flammes ;
Et le Portier divin, tant harcelé jadis,
Laisse pendre les clefs aux gonds du Paradis !
Certes, sa peine est forte, et rude est sa navrure,