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POÈMES BARBARES.


Resteras-tu plongé dans cette nuit profonde
D’où ta race s’élance à la sainte Clarté !
Veux-tu, seul, du Démon garder la marque immonde ?

Celui qui m’a choisi, dans mon indignité,
Pour répandre sa gloire et sa grâce infinie,
Est descendu pour toi de son éternité.

De l’immense univers la paix était bannie
Il a tendu les bras aux peuples furieux,
Et son sang a coulé pour leur ignominie.

S’il réveillait d’un mot les morts silencieux,
Ne peut-il t’appeler du fond de ton abîme,
Et faire luire aussi la lumière à tes yeux ?

Mais tu n’ignores plus son histoire sublime,
Et tu le sais, voici que le saint avenir
Germe, arrosé des pleurs de la grande Victime.

Écoute ! de la terre aux cieux entends frémir
L’hymne d’amour plus haut que la clameur des haines :
Le siècle des Esprits violents va finir.

Vois ! le palais du fort croule au niveau des plaines
Le bras qui brandissait l’épée est desséché ;
L’humble croit en Celui par qui tombent ses chaînes.