Page:Leconte de Lisle - Poëmes et Poésies, 1855.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
III

mais je suis trop vieux de trois mille ans au moins, et je vis, bon gré, mal gré, an dix-neuvième siècle de l’ère chrétienne. J’ai beau tourner les yeux vers le passé, je ne l’aperçois qu’à travers la fumée de la houille, condensée en nuées épaisses dans le ciel ; j’ai beau tendre l’oreille aux premiers chants de la poésie humaine, les seuls qui méritent d’être écoutés, je les entends à peine, grâce aux clameurs barbares du Pandémonium industriel. Que les esprits amoureux du présent et convaincus des magnificences de l’avenir se réjouissent dans leur foi, je ne les envie ni ne les félicite, car nous n’avons ni les mêmes sympathies ni les mêmes espérances. Les hymnes et les odes inspirées par la vapeur et la télégraphie électrique m’émeuvent médiocrement, et toutes ces périphrases didactiques, n’ayant rien de commun avec l’art, me dé-