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Parlait, et comme au vent tremblait la tour massive ;
Et mieux qu’un glaive amer aux mains descombattants,
Sa voix calme plongeait dans les cœurs palpitants.
Plus pâles que les morts esclaves des sorcières,
Qui par les froides nuits rampent dans les bruyères,
Les Runoïas, courbés sous le dur jugement,
Rêvaient, dans leur angoisse et leur énervement.
Comme un dernier rayon qui palpite et dévie,
Ils voulaient ressaisir la pensée et la vie,
Mais leur esprit, semblable aux feuilles des vallons,
Hors d’eux-mêmes, errait en de noirs tourbillons.
Debout, tumultueux, la barbe hérissée,
Et laissant choir soudain la coupe commencée,
Les chasseurs, assaillis de vertige, brisaient
Les cruches où leurs mains incertaines puisaient,
Et les yeux enflammés d’épouvante et d’ivresse,