Page:Leconte de Lisle - Premières Poésies et Lettres intimes, 1902.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
premières poésies

poétiques. Ainsi quand Ruy-Blas s’écrie :

Charles Quint, dans ces temps d’opprobre et de terreur,
Que fais-tu dans ta tombe, ô puissant empereur ?
Oh ! lève-toi ! Viens voir ! Les bons font place aux pires.
Ce royaume effrayant, fait d’un amas d’empires,
Penche ; il nous faut ton bras. Au secours, Charles Quint !
Car l’Espagne se meurt ; car l’Espagne s’éteint.
Ton globe qui brillait dans ta droite profonde,
Soleil éblouissant qui faisait croire au monde
Que le jour désormais se levait à Madrid,
Maintenant, astre mort, dans l’ombre s’amoindrit,
Lune aux trois quarts rongée et qui décroît encore,
Et que d’un autre peuple effacera l’aurore !
Hélas ! ton héritage est en proie aux vendeurs.
Tes rayons, ils en font des piastres ! tes splendeurs,
On les souille ! Ô géant, se peut-il que tu dormes ?
On vend ton sceptre au poids, un tas de nains informes
Se taillent des pourpoints dans ton manteau de roi ;
Et l’aigle impérial qui, jadis, sous ta loi,
Couvrait le monde entier de tonnerre et de flamme,
Cuit, pauvre oiseau plumé, dans leur marmite infâme !…


Voilà Ruy-Blas, mon cher Rouffet. Du génie, toujours. Mais peu ou point de règles.