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premières poésies

frein d’ambitions infâmes parce qu’elles n’ont pour base qu’un égoïsme incarne, et non le bonheur de tous ; si, dis-je, ce temps existait encore, oh ! je concevrais que la voix du poète fût écoutée ! Mais, à présent, que voulez-vous qu’entende une société abrutie et sourde, qui se gorge ignoblement et laisse mourir de faim le peu d’êtres sincères et purs qui espéraient appuyer sur elle leur existence, peu désireuse de bien-être physique pourtant, afin de se livrer entièrement à la belle et sainte poésie ? Non, non ; à la brute il faut parfois des remèdes de brute ! Qu’elle tremble donc, cette société hideuse, qu’elle tremble qu’une vengeance sept fois plus terrible que le mal qu’elle fait souffrir ne tombe bientôt sur sa tête !…

M. Berthaut, de Paris, a publié dans le Voleur une élégie sur la mort de Moreau. J’ai comparé vos deux pièces, et j’ai tâché d’en analyser les différences. Celle du poète parisien est très longue ; il y a force images, force paraphrases, et cependant beaucoup de poésie ; mais la trop grande extension de l’idée principale nuit beau-