Page:Lefèvre-Deumier - Confidences, 1833.djvu/186

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De son ombre qui vole, empoisonne les fleurs,
Irais-je du brouillard de mes sourdes douleurs
Faner ta destinée, heureuse sans la mienne ?
C’est trop jeter ma vie en travers de la tienne.
Laisse-moi te quitter, partir, pleurer, mourir…
Tu ne souffriras plus, et moi… je sais souffrir.

Les femmes, dont l’amour se plaît dans la parure,
N’ont pas autour du cœur une assez forte armure,
Pour affronter long-temps ses tourmens sans plier ;
Laisse-moi donc porter leur fardeau tout entier :
Moi, j’en ai l’habitude, et mon âme virile
Supporte mieux que toi sa fatigue fébrile.
Laisse-moi te quitter : je sens que j’ai besoin
D’exister isolé, de mourir sans témoin.
J’ai besoin d’un autre air, besoin d’autres orages,
D’écueils matériels, de physiques naufrages :
Il me faut secouer l’amour dans le péril,
Et de tous mes soupçons me guérir par l’exil.