Page:Lefèvre-Deumier - Confidences, 1833.djvu/53

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Un tourment inquiet, que l’on ne peut décrire,
Se serre autour du cœur, qu’il froisse, ou qu’il déchire.
On voudrait tout aimer, tout éprouver, tout voir,
Deviner ce qu’un jour on pleure de savoir.
Ce besoin de sentir, qu’irrite encor l’étude,
Souvent, comme un tyran, trouble la solitude :
Conquérant avorté, l’esprit ambitieux,
Las de ce globe étroit, s’acharne après les cieux,
Et quand il en descend, convaincu d’impuissance,
Pâle d’avoir appris, il se meurt d’ignorance.
Comme un torrent captif, qui, sans l’anéantir,
Ronge de son berceau, dont il ne peut sortir,
Le dôme vacillant, qu’aucun œil ne contemple,
La pensée est un Dieu, qui ruine son temple.
Mais si, pour célébrer l’or fleuri du gazon,
Qui, sous nos yeux charmés, étend son vert blason,
Le chant du rossignol, qui caresse une rose,
Le saule échevelé près de l’eau qui l’arrose,
Et tout ce monde enfin, dont la moindre beauté,
Dans l’infini d’un rien cache l’immensité :