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Arrivés rue Laffite, nous constatons que le quartier est des plus calmes, et la nuit se passe sans que la « bande » se soit montrée. C’est une fausse alerte. À moins qu’on n’ait voulu tâter le pouls de la garde nationale et exciter sa fièvre de conservation.

L’hôtel de Rothschild ne court aucun danger. Il n’en fut pas de même, il est vrai, de son château de Puteaux que détruisirent le lendemain les habitants du pays, satisfaisant sans doute ainsi quelques rancunes locales. En même temps aussi, brûlait le château de Neuilly, résidence habituelle de Louis-Philippe et de sa famille. Ce fut la seule vengeance tirée par le peuple des nombreux méfaits de ce Robert-Macaire politique.

Cette fausse alerte de la nuit du 24 nous fit réfléchir mon camarade et moi. — Très probablement le nouveau gouvernement allait se donner pour principale mission de rassurer les propriétaires.

Malgré l’incendie de son château, Rothschild vient de verser vingt-cinq mille francs à la caisse de secours aux victimes de Février. Cette générosité du « Roi des Juifs » comme le qualifiait Toussenel, chantée par les journaux sur le ton d’un lyrisme des plus attendrissants, paraît suspecte à ceux qui, à bon droit, doutent de la conversion si subite du banquier à la République.

Une opération financière conclue peu après par le Provisoire et toute au bénéfice de ce généreux bienfaiteur, restitue à cette largesse son vrai caractère et ne prouve que trop, en effet que les républicains au pouvoir se considèrent comme étant chargés tout spécialement de faire les affaires de la haute banque.

Prenant en considération l’abaissement subit du cours de la rente, tombé de presque moitié le 25 février, le Gouvernement provisoire, sur la proposition du