Page:Legouvé - Dernier travail, derniers souvenirs, 1898.djvu/248

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nous valait bien, s’est-elle abusée au point d’appeler poète national un prosateur qui rimait à peu près ? Je ne le crois pas ; et je viens ici, aujourd’hui tout exprès, pour vous donner quelques conseils d’équité littéraire, c’est-à-dire d’admiration réfléchie, car je résumerais volontiers vos devoirs de professeurs futurs en un mot : apprenez à vos élèves à admirer. Cherchons donc ensemble, dans une double étude sur Béranger, étude littéraire et étude biographique, les raisons de son succès d’autrefois, et peut-être de son succès de demain. Les poètes que la critique enterre ne sont pas toujours aussi morts qu’ils en ont l’air. Il y a des résurrections dans ce royaume des ombres. Témoin, Alfred de Vigny, dont on est en train de relever la gloire poétique. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour Béranger ? Qui sait ? Peut-être ne faut-il que trouver la forme et le moment ? C’est ce que nous chercherons à la fin de notre entretien.


II

Le critique éminent dont je vous ai parlé explique la grandeur de la poésie lyrique du XIXème siècle, par son évolution successive de l’individualisme au naturalisme, du naturalisme