Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/156

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chevalier sans peur et sans reproche ? Dupaty en est ! Comme Bayard, il se serait fait tuer cent fois plutôt que de manquer de loyauté envers un homme et de courtoisie envers une femme. Lui aussi, il aurait rassuré et rendu à la liberté les deux jeunes et charmantes prisonnières de Crémone… et avec plus de mérite que Bayard peut-être, car il pouvait dire comme certain héros de Corneille :


Amis, sur mes pareils un bel œil est bien fort.


Parlons-nous des chevaliers français de la Régence, qui vont au feu, poudrés, frisés, la tête découverte : Après vous, messieurs les Anglais… Dupaty en est encore ! Le péril était pour lui une des élégances de la vie ! Enfin s’agit-il du chevalier français d’opéra-comique, genre troubadour, les Elleviou ? Dupaty en est toujours ! Il avait des yeux câlins, tendres, quêteurs, qu’une expression familière a appelés yeux en coulisse, et que je nommerai, moi, des yeux de l’Empire. Les portraits du temps sont pleins de ces yeux-là, j’en ai beaucoup connu dans ma jeunesse ; j’en connais même encore quelques-uns ; ils ont l’air de demander l’aumône à la porte de toutes les jolies bouches qu’ils rencontrent. Les paroles de Dupaty à une femme ressemblaient toujours à des déclarations. Peu lui importait l’âge, la beauté, la condition ! En voyage il prenait la taille des filles d’auberge et les appelait friponnes. Un jour, à table, chez un de ses amis, au milieu d’une dissertation philosophique, à propos d’une déception assez cruelle, il lance d’un ton amer la vieille maxime :